Józef  BURY

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" Peindre est une action qui procède par recouvrement, par superposition de couches, par accroissement. Un tableau séparé n’offre qu’une partie de ce processus additionnel et transformateur qui continue alors sur un autre tableau. Un tableau séparé est un échantillon silencieux de ce processus, un amas du temps, un accumulateur chargé. Mémoire offerte à la vision et silencieuse comme l’œil. Assurance de l’opacité, invitation de la brillance, interdit du reflet, secret de la transparence, constituent la matière d’un filtre translucide et unidirectionnel. Survolé d’un regard rapide, il peut paraître inaccessible, renvoyer même un reflet de l’œil qui le regarde. Le temps de la perception, faisant écho au temps de sa constitution, apparaît ici comme un facteur déterminant l’accès à son secret de naissance. Transpercer les couches multiples, pénétrer, sonder, s’infiltrer, s’introduire, fouiller, c’est faire expérience du processus de sa constitution, c’est faire expérience de la peinture. /…/

Faire la peinture - peindre - c’est pour ma part une action qui complète, du point de vue disciplinaire, l’investigation menée parallèlement, à travers la photographie, par les actions dans un espace-temps réel, ainsi que par la formulation textuelle de la prise de conscience de l’évolution de cette recherche. Néanmoins, plus qu’à travers le partage disciplinaire, ce processus s’organise autour des pôles problématiques qui le sous tendent. Les questions posées par l’expérience de la cohabitation et de l’interaction avec le monde, ainsi que la constitution de la mémoire de cette expérience, me renvoient devant le problème de l’espace-temps, de la perception polysensorielle, de la pratique, de l’attitude et de l’action. "

BURY, J. "Sur la peinture", in : MANIF Seoul 2002, (Manifestation d’Art Nouveau International et Forum). Catalogue de l’exposition. Séoul : Seoul Arts Center, 2002.

 

" Le monde du peintre est un "monde visible, rien que visible, un monde presque fou, puisqu’il est complet n’étant cependant que partiel", affirmait Merleau-Ponty dans L’Œil et l’Esprit. La complétude n’est pas ici un au-delà spirituel du panneau, mais un agio de sa visibilité — si le monde du peintre, sans être mystique, culmine dans la sphère par laquelle un malvoyant entre en communion avec l’espace, c’est qu’il a atteint sa cible d’être lui-même, le monde. /.../

La construction de la peinture, et spécialement celle d’un tableau, participe du principe de l’affinement qui est nécessairement une complexification, même si le résultat paraît être unique, et par ce fait-même le plus simple. Dans le cas du travail de Bury, c'est un accroissement de la forme dont la topologie est celle de la perspective des couches successives, une autre manière de faire ce qui, effectivement, construit nos faits visuels quotidiens. C’est ce que montrent les apparences de Bury, en faisant venir la matière visuelle à son état de suffisance réceptive. Ce canal, cet anti-vortex qui est donc une gaine, non de la lumière mais de la visibilité de lumière, est un hiatus, un pont bicéphale, des butants ouverts sur des flots, une écluse, une savante robinetterie qui distille les affluents binoculaires du phénomène de l’apparition phénoménale. "

SOBIESZCZANSKI, M., extrait du texte de presentation de l'exposition "Du visuel en peinture", Palais des Rois de Majorque, Perpignan 2004.