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"L’appellation espace-temps en devenir garde pour moi une valeur, celle du renvoi à la pratique subjective de l’expérience spatio-temporelle dont les règles, les formes a priori, ainsi que les enjeux cognitifs et sémiotiques, ne peuvent être définies qu’ultérieurement. Pratiquer veut dire éprouver l’état actif des tensions fondatrices au cours duquel se joue la promotion de l'être vers l'apparaître. Ceci concerne la réalité intérieure - conscience, mémoire - ainsi que la réalité extérieure - l’autre, la nature. C’est une affaire de stratégie dans la perception polysensorielle, et d’attitude selon laquelle la perception même ferait partie du monde en devenir.Le spectre exhaustif des facettes de l'existence réelle, envisagé ici comme un ensemble dynamique interactif en devenir permanent, avec les rayonnements sensibles et infraliminaux du monde de la nature, ainsi que l’actualité de la conscience et de la mémoire, demeure comme un établissement théorique initial et préalable à cette pratique. Face à la mobilité éphémère du réel, une pratique subjective de l’expérience spatio-temporelle consiste à tester des stratégies perceptives, cognitives et créatives, en vue de l’élaboration des attitudes à venir. Parceque l'expérience nous oblige à faire le deuil de la réalité immuable et rassurante - séduisante et pourtant inaccessible - un objet d’art issu de cette expérience n’est qu’une trace de la durée et apparaît ainsi comme une forme de mémoire de processus. Seul véritable objet de l’art reste l’élaboration des attitudes face au monde et sa permanente actualisation.

C’est un recommencement incessant de re-création du monde à l’image d’une tentative de réchauffement depuis l’intérieur, à l’aide de son propre corps, d’un bloc de glace opaque dont les parois extérieures se dissipent dans l’obscurité de l’insondable."

Bury, J., "Espace-temps en devenir", pp. 22-25, in : 3^rd International Art Meeting, Katowice 2000, J. Bury (dir.), Catalogue de festival. Katowice, Pl. : Galeria Sztuki Wspolczesnej BWA Katowice, 2002.